Anne Reveyrand sur la régie publique de l’eau #3

Anne Reveyrand sur la régie publique de l’eau #3

Le passage en régie publique de l’eau se matérialise enfin avec ces trois délibérations. L’une définit le cadre stratégique pour les quinze prochaines années, la seconde crée la régie avec ses statuts et la troisième organise l’année de transition que sera 2022. Anne Reveyrand est intervenue une nouvelle fois pour le groupe.

Seul le prononcé fait foi


Monsieur le président, chers collègues,

Partout, en confrontant les idées sur la question de l’eau, on perçoit une réelle sympathie populaire pour notre projet de gestion publique de l’eau. Entendu dans un conseil d’administration de collège, lors de l’examen des dépenses de fluides (gaz, électricité et eau) : « l’eau, ce n’est pas pareil ! ». Ou bien lors de rencontres avec des habitants (pas un panel choisi, je le précise !) : « l’eau c’est comme l’air ! Ce n’est pas un produit, c’est à tout le monde ! et tout le monde y a droit, naturellement ! ».

Et justement, l’article 2 de la déclaration des droits de l’homme ne dit pas moins que « le but de toute association politique est la préservation des droits de l’homme. » La régie répond bien à ce choix politique fondé sur la conviction que, face aux enjeux auxquels nous serons confrontés à l’avenir – je n’y reviendrai pas –, nous devons recourir à la gestion publique pour le bien commun et les services vitaux. Ce choix politique, nous, Socialistes, l’assumons pleinement, dans le respect des engagements que nous avions pris dans notre programme en 2020.

Bien sûr, à droite… (encore qu’on ne sache plus guère où est la droite !) on nous dit que le sujet n’est plus « régie » ou « pas régie ». Mais rien n’indique dans nos échanges que le processus soit complètement acté, encore moins qu’il suscite l’adhésion et j’ai bien peur que le moindre faux pas puisse être savouré dans ce camp politique. Le travail minutieux et exhaustif conduit depuis plus d’un an nous évitera les écueils.

Cette série de délibérations propose le cadre stratégique pour le service public d’eau potable, les statuts de la régie, et notamment ses missions et son articulation avec la Métropole, la composition de son conseil d’administration, la désignation du directeur, la dotation initiale, un protocole de fin de contrat, une convention de gestion pour l’année 2022, sachant que si la régie publique d’eau potable prend son service le 1er janvier 2023, elle existe dès le 1er janvier 2022. Un ensemble de textes qui traduit le travail accompli.

Au-delà de la réelle vision à long terme que propose le cadre stratégique pour le service public de l’eau potable, je souhaite pointer la remarquable composition du conseil d’administration, unique en France à ce jour, faisant place à l’ensemble des groupes politiques de la Métropole – des élus de l’opposition ont même semblé en être surpris – comme aux salariés et aux usagers, avec voix délibérative, soulignons-le. 4 voix destinées à l’expression des usagers, c’est assez inédit.

Pour que ces usagers sachants soient à même de représenter les intérêts de l’ensemble des habitants du Grand Lyon, il nous faudra faire un bout de chemin pour vaincre la méconnaissance du grand public concernant la distribution d’eau potable, méconnaissance aussi de leur facture (en copropriété comme en logement social). À mon sens, la méconnaissance du grand public de ce qu’est aujourd’hui ce service public est en partie aussi liée à la perte du sens collectif.

Un travail d’acculturation avec des structures citoyennes a débuté pour une montée en compétence collective. En parallèle, va se tenir en cette année 2022, une démarche prospective et participative « grand public ». L’un des enjeux majeurs, à mon sens, est d’amener ce grand public à envisager l’eau comme une ressource naturelle finie à l’échelle de la planète : on le sait, la part d’eau accessible et de bonne qualité va diminuer dans les années à venir. Et la technologie ne peut pas tout, pour sauver le monde, comme on l’entend souvent, à propos des questions environnementales.

Je reviens aux statuts. Avoir fait figurer à l’article 6.1.1 des statuts que la parité femme/homme doit être assurée au sein de chaque collège du conseil d’administration, n’est pas qu’une anecdote. Car pas très loin en arrière, pour avoir siégé dans le précédent mandat, j’avoue avoir été surprise, le premier jour de séance du Conseil, du nombre d’hommes présents dans l’hémicycle : les maires, les têtes de liste ! Une vice-Présidente LR de la Région Île-de-France s’en révoltait récemment dans les colonnes du Monde.

La Métropole de Lyon, autorité organisatrice du service public d’eau potable, ne se dessaisit pas de sa responsabilité. À travers la maîtrise publique de l’eau potable, elle fait le choix de finalités d’intérêt général, d’une vision à long terme de la gestion du bien commun, des investissements et de la préservation et de la diversification de la ressource. À bien distinguer de l’approche d’un contrat de délégation au privé d’un service public où le court terme et l’objectif de rentabilité pour le délégataire privé priment. Cette financiarisation de l’eau est à l’œuvre un peu partout dans le monde.

Je ne conclurai pas sans évoquer l’approche sociale du service public d’eau potable, l’accès inconditionnel à une eau de qualité pour tous. Dans notre Métropole, cela a été dit, mais c’est majeur, pour nous, Socialistes, 3 000 personnes vivent dans la rue, 18 000 personnes sans logement trouvent un abri dans des squats, dans leur voiture ou chez des tiers. Des items restent à creuser, les modalités d’une tarification sociale, les accès physiques à l’eau tels que les bains publics, les fontaines, etc. Nous y veillerons. Comme à la qualité de l’eau distribuée aux Grands Lyonnais, eu égard aux pollutions émergentes. Puisque notre taux de conformité, en matière de qualité de l’eau, avoisine les 100 % sur l’ensemble des paramètres réglementaires, pourquoi ne pas être plus exigeants ?

Par ailleurs, sans vouloir évoquer une quelconque « guerre de l’eau », la territorialité des eaux et leur gestion en amont de notre territoire métropolitain est majeure dans notre indépendance. Or si le cours du Rhône est en grande part français, notre fleuve prend sa source dans un autre pays avec aujourd’hui, le débit que la Suisse veut bien nous offrir. La Métropole ne devrait-elle pas mettre cette question d’interterritorialité au débat avec l’État ? Cette solidarité territoriale s’exerce déjà à plus petite échelle pour des points de captage sur des territoires limitrophes du Grand Lyon. Elle devra, là aussi, sans doute s’étendre dans le futur.

Envisager la durabilité des champs captants, améliorer la qualité de l’eau, renouveler le réseau à un rythme nouveau, réaliser de nouvelles infrastructures (quand on sait qu’il faut 10 ans ou plus pour mettre en place une usine de traitement ou engager une nouvelle ressource), c’est anticiper pour que les adaptations du système réalisées d’ici 2035 puissent répondre aux besoins de 2050. C’est avec cela en ligne d’horizon que nous réussirons notre régie publique d’eau potable, une des plus grandes régies de France : et c’est déjà un vrai défi.

Notre groupe Socialistes, la gauche sociale et écologique & Apparentés votera, vous l’aurez compris, ces délibérations.

Je vous remercie de votre attention.