En ouverture du Conseil de la Métropole, Jean-Michel Longueval est revenu sur le projet de réforme des retraites du président Macron, faisant le lien avec l’Histoire et avec les effets cachés qu’elle aurait sur notre collectivité. Retrouvez son intervention complète ci-dessous.
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le président, chers collègues,
Après une année 2022 marquée par la guerre, la crise énergétique, le dérèglement climatique et l’inflation, l’année 2023 s’ouvre en ajoutant un mouvement social d’ampleur, contre la réforme des retraites. Les inquiétudes et les difficultés de nos concitoyens n’étaient sans doute pas assez fortes, le creusement des inégalités sociales et économiques pas assez grave – il aura donc fallu que le Gouvernement choisisse ce moment pour s’attaquer à un pan entier de notre modèle social.
La réforme des retraites est un objet qui pourrait paraître éloigné de notre collectivité et de nos débats métropolitains. Et pourtant, elle nous concerne bien. Pour notre collectivité, la réforme des retraites telle que proposée par le gouvernement est loin d’être neutre. Elle a des coûts cachés.
D’abord, le recul de l’âge de départ va provoquer une usure professionnelle plus importante. Ce sont des coûts humains bien réels. Les associations d’élus nous mettent en garde : il faut anticiper une augmentation des arrêts maladie et de l’absentéisme. Les situations d’inaptitude ou d’invalidité risquent d’affecter plus d’agents en fin de carrière, particulièrement dans les métiers exposés à des contraintes physiques.
Ensuite, ce sont des coûts financiers supplémentaires qu’il faut anticiper. C’est par exemple
l’augmentation de la prévoyance. C’est aussi la hausse des cotisations pour la fonction publique territoriale, annoncée par la Première Ministre, alors qu’elle refuse par ailleurs de mettre à contribution les employeurs privés.
Pour nous, socialistes, la réforme proposée – en espérant qu’elle ne devienne pas la réforme imposée – va à l’encontre de décennies de progrès humain. Elle va contre l’Histoire. Car pour les droits sociaux, le sens de l’histoire, c’est la réduction du temps de travail.
- La réduction du temps de travail hebdomadaire : la semaine de 40 heures avec Léon Blum, puis 39 heures avec François Mitterrand, et enfin 35 heures avec Lionel Jospin et Martine Aubry.
- La réduction du temps de travail annuel : deux semaines de congés payés en 36, trois avec Guy Mollet, puis cinq avec Pierre Mauroy.
- Et aussi la réduction du nombre d’années passées à travailler. Sur ce point, là encore, nombre de progrès sociaux ont été portés par des socialistes, comme la création du minimum vieillesse.
Ces droits, chèrement acquis parfois, ne sont pas des privilèges mais bien la juste compensation de carrières difficiles, parfois – usantes, souvent – précaires, de plus en plus.
Défendre la baisse du temps de travail, ce n’est pas nier la valeur du travail. Le « droit d’obtenir un emploi », qui est un principe constitutionnel, rappelons-le, doit pouvoir permettre à chacun de se sentir utile, de s’émanciper, de vivre dignement et aussi de profiter de la retraite. Pourtant, chez les 5 % des français plus pauvres, une personne sur quatre est déjà morte à l’âge du départ à la retraite. N’est-ce pas littéralement se tuer à la tâche ?
Alors que rien n’impose d’augmenter l’âge légal de départ à la retraite, le gouvernement fait le choix de demander plus d’efforts aux travailleurs modestes. Il fait ce choix immédiatement après avoir réformé l’assurance-chômage, mettant à mal un autre pan notre solidarité nationale. Ce choix s’inscrit dans une stratégie plus générale et bien éprouvée qui consiste à refuser de taxer les très riches et leurs superprofits, ou tout simplement de ne pas mettre à contribution ceux qui le peuvent – et notamment les retraités les plus aisés.
Alors, au commencement de cette nouvelle année, nous voulons redire notre détermination à faire du Grand Lyon une collectivité en rupture avec les méthodes et les objectifs du Gouvernement.
Une collectivité qui ne sacrifie pas les conditions de travail de ses agents. À la dégradation des carrières voulue par l’État, nous opposons des recrutements, des primes et la mise en œuvre des mesures de l’agenda social.
Une collectivité qui n’aggrave pas la fracture entre les plus pauvres et les plus riches. À la difficulté croissante de se loger et de se chauffer, nous opposons une augmentation des aides contre la précarité énergétique, pour l’accueil, l’hébergement et le logement. Aux risques d’exclusion et de déclassement, nous opposons le RSJ, l’inclusion sociale par la culture et la poursuite des actions du Plan pauvreté.
Une collectivité qui n’a pas recours à des procédures brutales pour imposer ses projets. Au 49.3 et à la réduction du débat parlementaire, nous opposons la concertation, avec des dizaines de procédures, pour un simple tronçon de Voie Lyonnaise comme pour un projet aussi complexe que la ZFE. Au passage en force, nous opposons la participation citoyenne, avec un budget participatif pour les collèges et la représentation des usagers dans la régie publique de l’eau…
Bref, nous voulons redire notre détermination à faire de la Métropole une collectivité qui ne s’inscrit pas contre l’histoire mais pour le progrès social.
Je vous remercie.