Sandrine Runel – Intervention sur l’avis de la Ville de Lyon sur le Plan de protection de l’atmosphère

Sandrine Runel – Intervention sur l’avis de la Ville de Lyon sur le Plan de protection de l’atmosphère

Monsieur le Maire, mes chers collègues,

La qualité de l’air, en France et dans notre agglomération, s’améliore graduellement, depuis des décennies. C’est un fait, et c’est bien de le rappeler. Mais force est de constater que nous sommes encore très loin du compte. Au-delà des milliers de morts anticipés ou de morts évitables, plusieurs constats en attestent.

Chacun sait que la qualité de l’air est devenue en quelques années un sujet de contentieux important, et que les condamnations de la France s’amassent, qu’elles viennent du Conseil d’État ou de la Cour de justice de l’Union européenne.

Il faut bien dire que la gravité de la situation appelle une réponse judicaire : car chaque année rien que dans notre région Auvergne-Rhône-Alpes, près de 4 300 décès sont attribuables à l’exposition à long terme aux particules fines.

Le Plan de Protection de l’Atmosphère, outil de planification qui vise à reconquérir et à préserver la qualité de l’air sur le territoire, a donc pour finalité de définir des objectifs précis permettant de ramener la concentration en polluants dans l’atmosphère à un niveau conforme aux normes de qualité de l’air.

Et nous concernant, le compte n’y est pas.

En effet, on peut s’étonner et même regretter que plusieurs objectifs du PPA contiennent, dans leur énoncé, un certain aveu d’échec.

L’objectif de respecter les seuils règlementaires « le plus vite possible », ou encore celui que plus personne ne soit exposé aux dépassements, mais « d’ici 2027 »…

On parle ici de normes qui ont été établies il y a plus de 15 ans, en 2005, et qui ne sont toujours pas respectées ! A ce niveau-là, ce n’est même plus un manque d’ambition, mais certainement un manque de compréhension des enjeux.

De même, un autre des objectifs prévoit de « contenir la dégradation de la situation observée », en ce qui concerne la pollution à l’azote. La passivité de cette formule démontre bien que la situation n’est pas vraiment sous contrôle.

Et en matière d’agriculture, l’Etat se contente de « recommandations » … pourtant, nous le savons, et le Gouvernement devrait le savoir, la pollution de l’air est intimement liée à l’accumulation de polluants dans le sol qui réduit la production agricole et favorise une plus grande dépendance des agriculteurs à l’égard des engrais azotés.

Aussi, sur la seule forme on voit déjà comment le Plan de protection de l’atmosphère manque terriblement d’ambition, surtout face aux enjeux évoqués précédemment.

L’État formule des obligations au conditionnel, notamment en ce qui concerne le développement des infrastructures de covoiturage. Cela traduit bien les engagements de façade du gouvernement en matière d’écologie, avec bien trop de discours et bien peu d’actions concrètes.

On pourrait presque se demander si le gouvernement ne fait pas peser sur les collectivités toute la responsabilité de la protection de l’atmosphère, pour mieux se désengager.

Pourtant la rhétorique présidentielle nous laissait espérer un big-bang écologique : interdiction des pesticides cancérigène ou tueur d’abeille, développement massif des énergies renouvelables et réduction des émissions de CO².

Cinq ans plus tard, on peine à voir quelles sont les avancée concrètes, imputables au gouvernement en matière de qualité de l’air et plus généralement d’écologie.

Une des priorités du quinquennat assurait-il, avec notamment l’interdiction du glyphosate, l’herbicide le plus courant, connu pour ses liens probables avec le cancer et les dommages qu’il cause à l’environnement. On connait la suite.

D’ailleurs, si l’inaction climatique de ce gouvernement n’est plus à démontrer, le silence du Président de la République sur nouvelles mesures écologiques est lui glaçant.

Aussi, le PPA qui nous est présenté aujourd’hui ne fait qu’illustrer ce manque de velléité à mettre en œuvre une véritable politique de transition écologique et sociale, dont le manque se fait cruellement sentir.

Il faut bien reconnaître une forme de défaillance de l’État sur certains dossiers pourtant cruciaux pour notre territoire, comme le contrôle des restrictions ZFE ou le contrôle des interdictions en matière de chauffage au bois non-performant.

Dans ce contexte que penser de l’action de la Région Auvergne Rhône-Alpes qui s’est complètement désengagée de ces sujets et s’est retirée du dispositif d’information, d’aides et de suivi ? On pourrait en effet souhaiter un investissement plus important de l’exécutif régional, qui a pourtant toutes les cartes en main pour agir fortement sur la problématique de la qualité de l’air,

Qui au lieu de proposer inlassablement un plan d’installation de caméras de vidéosurveillance sur notre territoire ferait mieux d’investir dans un plan régional santé environnement et l’élaboration d’un nouveau plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques comme il en a la possibilité.

Egalement, à travers sa compétence transport, la Région a décidé d’être moteur, mais pas dans le bon sens !

Car Il est évident – personne n’en disconviendra – qu’il est contradictoire de prôner la réduction du trafic routier et en même temps l’élargissement d’une autoroute qui augmentera mécaniquement ce trafic.

Ne pas le dénoncer serait aberrant, et les maires des communes riveraines de l’A46 sud se sont d’ailleurs opposés à ce projet totalement anachronique.

Ce n’est pas faute pour Vinci d’avoir soutenu, s’appuyant sur une étude à la méthode très discutable, que l’élargissement, en décongestionnant le trafic, amènerai naturellement à une réduction de la pollution.

Pourtant les études et retours d’expérience sur ce type de projets montrent bien que cela conduit au contraire systématiquement à une augmentation du trafic sur les tronçons concernés en drainant le trafic depuis les axes secondaires. C’est d’ailleurs le sens des résultats rendus à l’issu de la concertation publique, qui montre une opposition quasi-unanime à ce projet, qui pourtant ne semble toujours par abandonné.

Enfin, Monsieur le Maire, pour finir sur une note plus positive, je dirai malgré tout que ce nouveau plan va dans le bon sens.

Il permet de prendre en compte de nouveaux enjeux, en lien notamment avec la loi Climat et résilience, de renouveler certains engagements et de partager, entre personnes publiques, les objectifs à atteindre.

Il a fait l’objet d’une construction partenariale. Et même si les décisions sont prises par l’État, nous gardons la possibilité de donner notre avis, d’alerter sur ce qui ne nous semble pas assez volontariste, pour ne pas dire pas à la hauteur. Comme nous le faisons ici.

Mais aussi d’avoir des objectifs plus ambitieux dans certains domaines.

Car nous, nous aurions souhaité des engagements un peu plus fermes et concrets, de la part d’un État qui est, en quelque sorte, un « multirécidiviste en la matière ».

Il nous faut lutter contre cette pollution chronique, plutôt que de réagir lors des pics.

C’est bien le sens de l’action que nous menons, aux côtés de la Métropole de Lyon, pour réduire durablement le trafic, notamment des véhicules aux émissions les plus nocives. C’est ce que nous faisons avec l’adoption de la ZFE, qui doit permettre d’améliorer durablement la qualité de l’air sur notre territoire.

Car comment ne pas s’alarmer alors que, par exemple, la totalité des écoles lyonnaises dépassent continuellement les seuils de concentration de polluants fixés par l’OMS ? Pour cela la piétonisation des abords des écoles est une bonne chose, même si un politique impactante ne peut être menée qu’à l’échelle du territoire.

Mes chers collègues, il y a urgence à agir. Le PPA va en effet dans le bon sens, mais nous devons compenser le manque d’ambition de l’État, car la santé des plus fragiles est en jeu.

Si le gouvernement se refuse à tracer le chemin et à poser des objectifs ambitieux, alors nous devrons prendre le relai, car il en va de la santé de tous les lyonnais et lyonnaises.

Nos trois groupes émettront un avis favorable sur ce PPA.

Je vous remercie,