La pollution de l’air est un enjeu majeur et ses effets sur la santé touchent en premier lieu les populations les plus précaires, vivant aux abords d’axes majeurs. L’amplification de la ZFE est nécessaire, mais ne peut se faire sans prise en compte des enjeux sociaux et des inégalités. Le groupe socialiste y sera attentif. Retrouvez ci-dessous l’intervention complète d’Anne Reveyrand au Conseil du 15/03/2021 sur la délibération 2021-0470.
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le président, Monsieur le vice-président, chers collègues,
La réduction de la pollution de l’air est l’une des priorités de notre mandat. Le groupe « Socialistes, la gauche sociale et écologique et apparentés » soutient le principe et les objectifs de l’amplification de la Zone à faibles émissions existante à ce jour. Et puisque j’ai été citée à deux reprises, je précise que je ne renie aucun des propos que j’ai pu tenir dans cette assemblée dans le précédent mandat.
Je tiens à rappeler et saluer ici l’action de Thierry Philip, éminent cancérologue et vice-président socialiste dans la précédente mandature. Persuadé du bien-fondé d’un tel dispositif, il a mis en place la ZFE que nous connaissons aujourd’hui et nous pouvons l’en remercier.
Ces derniers mois, tous les groupes politiques, de la majorité comme de l’opposition, ont été consultés pour faire évoluer et amender le présent rapport. Certaines de nos demandes ont été transcrites dans le texte, d’autres dans la méthode. Sur ce dernier point nous saluons la décision prise de procéder par étape : d’abord une délibération cadre, puis une délibération précise en 2022 quand nous aurons les résultats des études, du débat public et que nous serons en mesure de lister les mesures d’accompagnement à la transition. Car une politique publique n’a de sens et de pertinence que si elle est applicable et réalisable. À défaut elle ne resterait qu’une lettre d’intentions. Cette seconde délibération sera donc d’une importance capitale et nous y serons très attentifs.
Notre première préoccupation reste d’améliorer les conditions de vie environnementales de tous sur le périmètre de la Métropole. Je m’attarderai sur la question des publics précaires.
Lors de la création d’une ZFE, la prise en compte des enjeux sociaux est généralement le dernier volet des thématiques abordées par les études et évaluations ex ante. L’effort est avant tout tourné vers la prise en compte des effets de la ZFE sur la qualité de l’air, et les bénéfices sur la santé humaine apportés. Ensuite, les évaluations considèrent les impacts sur les transports, en terme d’activité économique.
Pour ce qui est de l’impact sanitaire, les personnes défavorisées sont plus vulnérables face aux conséquences de la pollution de l’air. En effet, le statut socioéconomique est un déterminant important de l’état de santé des individus : la combinaison de mauvaises conditions de logement –ce sont les publics les plus précaires résidant notamment aux abords de grands axes routiers qui souffrent le plus de la pollution automobile-, d’un régime alimentaire de faible qualité, d’un accès réduit aux soins de santé et d’un niveau élevé de stress qui provoque une vulnérabilité accrue aux risques environnementaux, dont la pollution de l’air. Ainsi, l’étude Barnes menée au Royaume-Uni en 2019 a montré que la pollution de l’air avait deux fois plus d’impact sur la fonction pulmonaire chez les personnes à faibles revenus.
Les impacts sociaux, eux, sont souvent analysés comme des effets secondaires. Seule la ZFE de Londres a fait l’objet avant sa mise en place d’une étude d’impact sur les inégalités, par obligation réglementaire. Cette étude conclut que si les groupes cibles (dont les publics modestes, les femmes, les jeunes, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, etc.) profitent particulièrement des bénéfices sanitaires attendus en termes d’amélioration de la qualité de l’air, en revanche, les coûts de mise en place de la ZFE (qui peuvent se traduire par un investissement pour un véhicule aux normes, ou par un allongement du temps de trajet pour éviter la zone) seraient plus supportés par ces groupes cibles que par le reste de la population. C’est pour nous une leçon. Conseil en mobilités, déploiement d’alternatives crédibles et valorisantes, etc. devront donc s’adresser au premier chef aux publics précaires.
Un autre point reste essentiel. Au-delà des consultations réglementaires, il est majeur de prendre le temps de consulter la société, d’organiser le débat, de donner à chacun la possibilité d’exprimer ses doutes et ses craintes, de coconstruire de l’innovation, de vaincre les réticences au regard notamment du renouvellement naturel du parc et de la baisse importante et inexorable des achats de véhicules diesel (70% en 2012, 30% en 2020).
- pour élaborer des mesures d’accompagnement qui prennent en compte tous les besoins et construire les mesures les plus justes, au regard de critères sociaux ;
- pour proposer des dérogations face à certaines situations individuelles comme par exemple les personnes travaillant en horaires décalés ou sur un lieu de travail non desservi par les transports en commun.
Il s’agit de donner aux citoyens une vision pleine et entière de ce que seront les mobilités de demain au sein de la Métropole.
Un troisième point que je souhaite évoquer ici est l’impérieuse nécessité d’une coordination avec les maires. Nous sommes rassurés de savoir que des Conférences Territoriales des Maires sont consacrées à ce sujet, tant pour échanger sur les publics touchés, sur ceux les plus concernés de par leurs revenus modestes, « leur » population qu’ils sont les premiers à bien connaître, que sur les alternatives à la voiture individuelle, comme, par exemple, l’instauration d’un service de free-floating sur le territoire de Villeurbanne. C’est avec les Maires que l’on construira cette ZFE, son applicabilité et son contrôle, puisque les polices municipales seront mobilisées pour le contrôle sur stationnement, complémentaire et en attendant la mise en œuvre de contrôles automatiques en circulation.
Ce qui m’amène au périmètre de notre ZFE. C’est bien l’aire métropolitaine qu’il nous faut prendre en compte et pas seulement le territoire de la Métropole. Les études en cours permettront d’affiner les usages, les trajets domicile-travail, le bassin de vie dans son ensemble car notre Métropole n’est pas une île au milieu de nulle part fonctionnant en autarcie. Où l’on voit aussi que les bénéfices sont plus étendus qu’au périmètre de la ZFE.
In fine, le calendrier prévu reste important et l’amendement que nous vous proposons permet d’être plus clair sur cette question comme sur notre volonté d’accompagner les publics précaires, et de proposer une préfiguration du travail d’envergure à venir pour préciser toutes les mesures à mettre en place pour une ZFE effective et efficace. Cet amendement n°15 présenté par les groupes Les Écologistes, La Gauche sociale et écologique et apparentés et la Métropole en commun tient compte du double calendrier engagé dans cette délibération. La première étape interdit en 2022 la circulation de véhicules Crit’Air 5 et non classés, qui ont à ce jour plus de 20 ans. Il précise que cette première étape ne pourra entrer en vigueur, qu’après que des mesures d’accompagnement pour les plus bas revenus sans alternatives pour leurs déplacements du quotidien, aient été décidées par le Conseil de Métropole. Ces mesures doivent être annoncées suffisamment tôt pour que ces ménages puissent en bénéficier. Il renforce la dimension sociale de la délibération.
Que de souci des groupes centriste et de droite subitement pour la justice sociale ! Que c’est beau !
Et pour terminer sur une note d’humour : tout cela pour… une vitesse moyenne de 6 km/h soit celle d’un marcheur, selon la théorie de Ivan Illich qui prend en compte le temps moyen passé à travailler pour acquérir une automobile et faire face à tous ses frais en y ajoutant le temps de conduite du véhicule…
Le groupe « Socialistes, la gauche sociale et écologique et apparentés », vigilant à l’inclusion de tous les publics selon ses valeurs, votera favorablement cette première délibération.
Je vous remercie de votre attention.