Dans un contexte de dérapage des prix de l’immobilier, particulièrement sur Lyon et Villeurbanne, la Métropole transforme son Organisme de Foncier Solidaire (OFS) en Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). Derrière cette modification technique, un vrai projet politique : la clarification de la gouvernance, la participation des salariés et des utilisateurs, et toujours l’objectif de réduire les inégalités dans l’accession à la propriété. Cédric Van Styvendael est intervenu pour le groupe socialiste.
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le président, chers collègues,
Lyon et Villeurbanne sont, derrière Bordeaux, les 2ème et 3ème villes de France où l’immobilier a augmenté le plus fortement entre 2010 et 2020, après déjà une hausse spectaculaire au cours de la décennie précédente.
Prenez un couple âgée de 32 ans (âge moyen en France de la première acquisition immobilière), lui est enseignant, elle responsable comptable, ils gagnent à eux deux environ 4 500 euros net par mois mais ils n’ont pas d’apport de familiaux. Si ce couple souhaite s’installer au cœur de notre agglomération, en s’endettant sur 25 ans, il pourra acquérir au mieux un appartement de 70 m2 sur le marché privé, en remboursant chaque mois plus de 1 500 € ce qui considéré comme un taux d’effort trop important pour beaucoup de banques, les mettant à la merci de la moindre fluctuation de leur revenus.
Une situation réelle : le premier bail réel solidaire de l’agglomération a été signé à Villeurbanne, par l’OFS coopération Orsol, dans un quartier ou le prix du m2 atteint près de 5 000 €. Un couple avec deux enfants, percevant 3 900 € par mois a pu acheter un logement de 70 m2, pour une charge mensuelle de 900 €, sans apport. Cela lui aurait coûté 1 500 € par mois sur le marché privé, ce qu’aucune banque n’aurait accepté (taux d’effort supérieur à 30%).
Cette augmentation des prix est en train de produire une ville à plusieurs vitesses. C’est l’un des principaux facteurs de ségrégation sociale et spatiale, en chassant les classes populaires et les classes moyennes du centre de notre agglomération vers les communes de 1ère et 2e couronne.
Cette évolution des prix de l’immobilier, sans équivalent dans l’histoire urbaine récente, alimente l’injustice sociale et contribue à figer les situations en permettant aux plus riches d’acquérir du patrimoine et d’en tirer des revenus locatifs toujours plus élevés, tandis que les revenus modestes sont écartés de la propriété. Cela produit donc une société de la rente plutôt qu’une société du travail.
Cette tendance, en plus d’être socialement injuste, est écologiquement néfaste. En effet, la hausse continue des prix de l’immobilier encourage l’étalement urbain, donc le recours à la voiture individuelle.
Ce dérapage incontrôlé des prix s’est déroulé dans un contexte de forte production de logement social, attestant la nécessité d’intervenir directement sur le marché privé, en proposant une propriété privée non-spéculative, à prix réduit, à destination des ménages modestes.
C’est donc à ce titre que notre executif a accompagné la volonté des maires de Lyon et Villeurbanne en mettant en œuvre l’encadrement des loyers. Mais et ce sera là notre seule concession aux opposants de l’encadrement des loyers, cette mesure seule ne suffira pas. Il nous fait donc faire feu de tout bois pour ramener les appétits insatiables de certains opérateurs immobiliers à la raison.
Cela passe par de nombreux outils souvent très techniques présents dans le PLU H ou à la discrétion des maires dans le cadre de l’instruction des permis de construire. Encadrer les loyers, produire du logement social, ne pas laisser le marché faire du foncier un bien de spéculation déconnecter de la réalité (on paye aujourd’hui plus cher un droit à construire plus qu’un m2 de construction), mobiliser tous les leviers qui permettent de ne pas faire du logement un produit de luxe mais un bien de première nécessité.
Ce qui se passe aujourd’hui sur notre agglomération est irraisonnable et pourrait nous conduire à une situation catastrophique aider en cela par l’absence de vision et de stratégie du gouvernement en place concernant le logement.
L’Organisme de foncier solidaire métropolitain, dont il faut reconnaître la paternité à l’exécutif précédent, et la nouvelle ambition que notre exécutif lui a donné est sans doute le levier le plus puissant de réduction des inégalités, de mixité sociale et d’apaisement du marché de l’immobilier.
L’OFS permet de démembrer le foncier et le bâti, pour lisser la charge foncière sur 80 ans ; il ouvre par ailleurs des avantages fiscaux au motif de l’intérêt général et du plafond de ressources pour les accédants, qui permettent de proposer des logements 40% en dessous des prix de marché, en échange du renoncement à leur caractère spéculatif.
Les premières opérations de l’OFS métropolitain et des OFS HLM montrent l’intérêt de cet outil dans les zones les plus tendues comme Lyon et Villeurbanne, mais aussi dans les zones qui vont être soumises à tension par les investissements publics, notamment le développement de transports en commun. L’OFS Métropolitain permet de massifier la réaction au potentiel spéculatif de ces quartiers soudainement désenclavés.
Sa transformation en Société Coopérative d’Intérêt Collectif répond à un enjeu de clarification de la gouvernance, mais dessine également une proposition politique :
1- Le principe coopératif, 1 personne = 1 voix est au cœur de la démocratie. Il fait vivre le principe démocratique au sein des outils construits par la puissance publique,
2- L’existence de droit d’un collège de salariés, qui assure leur représentation dans les instances de gouvernance insuffle la démocratie au travail, qui ouvre un chemin pour les institutions publiques. Nous ne pouvons pas nous contenter de convoquer les citoyens aux urnes sans contribuer à ce qu’ils aient plus de pouvoir sur leur vie, y compris au travail. Et nos institutions publiques doivent donner l’exemple en la matière.
3- L’existence de droit d’un collège d’utilisateurs associe les usagers à la gouvernance. C’est donc un outil partagé par les institutions publiques qui en sont à l’origine, les citoyens qui y recourent, et les salariés dont c’est l’outil de travail. L’OFS devient un outil cogéré, un véhicule du rapprochement entre les citoyens et leurs institutions.
C’est parce que cette évolution contribue à définir une démocratie vivante, qui ne se contente pas de concertation, mais où puissance publique et citoyens vont faire ensemble, que nous soutenons pleinement la transformation de l’OFS en société coopérative d’intérêt collectif.