En ouverture du Conseil de la Métropole, Jean-Michel Longueval s’est exprimé pour le groupe sur l’arrêt de la Cour suprême des États-Unis qui revient sur l’arrêt Roe versus Wade de 1973 et signifie la fin du droit l’interruption volontaire de grossesse à l’échelle fédérale. Revenant ensuite sur les élections législatives et l’éclatement du front républicain, Jean-Michel Longueval émet une alerte face aux temps orageux qui sont devant nous.
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le président, chers collègues,
Un spectre hante l’Occident, celui de l’obscurantisme. On sentait un vent illibéral souffler depuis certains pays d’Europe de l’Est depuis des années, voilà qu’un ouragan fait rage aujourd’hui à l’Ouest. Le mandat de Donald Trump continue d’avoir des conséquences dramatiques pour les citoyens américains, dix-huit mois après sa défaite.
Coup sur coup, la Cour suprême des États-Unis a d’abord censuré jeudi une loi de l’État de New York limitant le port d’armes de poing hors de son domicile, avant de revenir sur l’arrêt Roe versus Wade vendredi, laissant comme avant 1973 chaque État libre d’autoriser ou non l’interruption volontaire de grossesse. Selon les estimations, ce serait 58% des femmes en âge de procréer qui sont déjà ou risquent d’être privées de ce droit. Rappelons que ce sont systématiquement les femmes les plus précaires qui souffrent le plus de ces lois scélérates.
En 2019, sentant ces vents réactionnaires s’élever, Luc Carvounas accompagné de députés de tous les groupes de gauche déposaient conjointement une proposition de loi visant à inscrire le droit à l’IVG dans notre Constitution. À l’époque, LREM rejetait cette proposition au motif que ce droit n’était pas menacé chez nous.
Ce weekend, la nouvelle présidente du groupe LREM Aurore Bergé a annoncé vouloir reprendre à son compte cette proposition. On ne peut que se satisfaire de ce revirement, qui va dans le bon sens.
Mais si la menace semble moins forte chez nous, il nous faut pourtant rester vigilant. Le mouvement anti-IVG aux États-Unis a mis des décennies pour parvenir à ses fins, et nul doute qu’ici aussi des forces de cet ordre œuvrent en ce sens.
On rappellera ainsi que, bien qu’elle soit depuis revenue sur ce point, Madame Le Pen se prononçait en 2012 en faveur d’un déremboursement de l’IVG, comme Marion Maréchal Le Pen en 2016 et que ce weekend, Philippe Ballard, député RN et porte-parole du même parti, refusait de s’exprimer sur l’arrêt de la Cour suprême.
On rappellera ainsi qu’en 2019 Les Républicains nommaient un anti-IVG comme tête de liste aux élections européennes, certes sous les réprobations de plusieurs cadres du parti comme Gérard Larcher, Valérie Pécresse ou Christian Jacob. Mais qui aujourd’hui va être pressenti pour en reprendre la tête ?
On rappellera enfin qu’en 2019, le Planning familial du Rhône subissait une baisse de ses subventions de la part de l’État de plus de 40 000 euros – soit un ETP – et que bien d’autres antennes dans notre région en ont souffert.
La proposition de loi sur l’inscription dans notre droit fondamental du droit à l’IVG et les expressions à venir des partis à l’Assemblée nationale permettront d’avoir une idée précise des positions de chacun. Vu la perte de repères politiques de notre époque de toute une partie du spectre politique, cette clarification sera la bienvenue.
D’autant que d’autres décisions rétrogrades aux États-Unis sont à anticiper, dont certaines affecteront les droits des personnes LGBTQIA. En cette fin de mois des fiertés, je profite de ce point pour saluer la campagne menée par notre collègue Michèle Picard contre les LGBT+phobies.
Ces décisions passées et à venir nous rappellent à notre devoir : rester vigilant, ne jamais considérer aucun droit pour acquis et continuer la lutte pour en gagner de nouveaux.
Car le brouillage des repères et des valeurs s’est aussi manifesté au grand jour lors des élections législatives. L’effondrement du front républicain lors de ces dernières élections nous a meurtri, nous Socialistes ayant toujours tenu bon sur ce point cardinal.
L’apposition d’un signe égal entre La France insoumise et le Front national par de nombreux responsables politiques plus obsédés par la perspective d’un bon score que par le sens de l’État est un drame dont je crains les conséquences à venir.
On voit les progrès du 20ème siècle être progressivement remis en cause. Combien de temps avant que défendre le droit à l’avortement, le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes, le droit de toute personne à s’aimer, se marier, voire pourquoi pas le droit à se former en association ou à exercer sa liberté de culte, soit considéré comme woke ou islamo-gauchiste par un camp réactionnaire qui ne cesse de progresser ?
Je vous remercie.